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    Chapitre 1 : Ça a commencé comme ça

     

    « Noh ! Comment ça se fait que le budget du club ait été réduit à ce point ?! »

     La voix tonitruante d'Ohm me cloue sur place dès que je franchis la porte. J'arrive à peine au club que déjà je me retrouve avec le document litigieux fourré sous le nez.

     

     Je fronce les sourcils en commençant à lire le papier (qu'Ohm continue gentiment de tenir à deux centimètres de mes yeux) en détail. Je connais le montant du budget nécessaire au club mieux que la date d'anniversaire d'Aum Patcharapa (1) et je me souviens très bien avoir demandé 25 000 bath pour que nous puissions acheter de nouveaux tambours vu que ceux qu'on utilise commencent à se faire vieux.

     

     Mais alors pourquoi ce machin dit-il qu'on a le droit seulement à 5 000 bath ?! Qu'est-ce qui est arrivé aux 20 000 restants ?!

     

     «  Putain ! Tu sais bien qu'on va bientôt recevoir la facture des nouveau tambours. Il va falloir qu'on fasse la manche pour les payer ou quoi ?? ».

     

     Ohm continue à vociférer sans se fatiguer tandis que les autres membres du club, assis autour de nous, prennent un air totalement angoissé. Alors qu'est-ce qu'un président de club comme moi est censé faire ?

     

     « Je reviens tout de suite »

     

     °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

     

     Le son de mes chaussures en cuir résonne sur le sol alors que je cours en direction du bâtiment principal. J'ai peur que les bureaux ne soient déjà fermés à cette heure. Tout s'embrouille dans ma tête. Je ne comprends pas comment ça a pu arriver. Et je crains d'avoir merdé en tant que président du club.

     

     Putain ! Mais comment j'ai pu faire cette erreur ?!

     

     J'étais sûr que nous obtiendrions le budget que j'avais demandé, tellement sûr que j'avais déjà commandé les nouveaux tambours.

     

     Mais comment peuvent-ils décider de couper notre budget, juste comme ça ?!

     

     Bingo ! Le bureau du conseil des étudiants est toujours ouvert ! J'espère que je vais tomber sur une personne en mesure de régler le problème.

     

      « Je suis le représentant du club de musique ! Je voudrais savoir si vous pourriez vérifier le montant du budget qui nous a été accordé ! On pense que vous avez fait une erreur ! »

     

     Dans un premier temps, j'ai l'impression que mes hurlements ont retenti dans le vide. Mais après, je remarque un garçon, planté au milieu du bureau.

     

     Phun Phumipat. Le secrétaire du conseil des étudiants pour la 2ème année consécutive. On est dans la même section (bien qu'on ne soit pas très proches).

     

     C'est mieux comme ça ! Je parie que ce mec peut m'aider !

     

     «  Phun ! Est-ce que tu peux vérifier notre budget ? S'il te plaît ? S'il te plaît ? Il manque 20 000 bath ! Je crois que je vais devenir maboule ! »

     

     Je décide d'utiliser notre (distante) amitié à mon avantage. Il a d'abord l'air surpris en me voyant débarquer, puis, gentiment, il traverse la pièce en direction d'une série de dossiers qu'il ouvre pour les consulter.

     

     «  Une seconde, Noh »

     

     Pas de problème, je peux attendre !

     

     Je reste là à regarder Phun pendant qu'il tourne les pages. Je prie avec l'énergie du désespoir pour que les premiers mots qu'il m'adresse soient « ah oui, on a fait une erreur », « le reste de l'argent arrivera la semaine prochaine », ou quelque chose dans le même genre. Mais je n'ai pas beaucoup d'espoir, le conseil des étudiants se trompe rarement, surtout que Phun vérifie toujours le travail après coup. En plus, ils n'ont jamais traité l'évaluation de notre budget a la légère.

     

     «  On n'a pas fait d'erreur, c'est écrit là. Regarde toi-même, Noh ».

     

     Phun vient de prononcer la phrase que je ne voulais surtout pas entendre. Il me tend le dossier et malgré le fait qu'il soit écrit en tout petit, le nombre « 5 000 » agresse tellement mes yeux que je manque de tomber à la renverse.

     

     «  - Comment ça se fait ?!

     - Tu n'es pas venu à la réunion d'attribution du budget, n'est-ce pas ? Qui avais-tu envoyé, déjà ?»

     

     La question de Phun me force à réfléchir et je me souviens : chaque année, une réunion est organisée pour décider du budget alloué à chaque club. Mais ce jour-là, je n'étais pas à Bangkok, ma grand-mère était tombée vraiment malade et toute la famille avait été la voir à Petchburi. Et la personne qui s'était rendue à la réunion à ma place était...

     

     Ce con de Ngoi !

     

     Son vrai nom est Ngaw, mais dès que je m'énerve contre lui, j'ai tendance à l'appeler Ngoi (les deux prénoms sont aussi horribles l'un que l'autre de toute façon). C'est un membre du club. Les autres ont tiré au sort vu que personne ne voulait y aller, et c'est lui qui a été choisi. Ces réunions durent au moins 12 heures sans compter qu'elles sont néfastes pour la santé. Mais comment Ngoi a fait son affaire, bordel ?!

     

     «  J'étais là à la réunion. P'Aun (2), du club de culture thaï, n'arrêtait pas d'essayer de réduire votre budget au bénéfice du sien. Ngaw avait tellement peur de lui, qu'il restait là à rien dire. Et à la fin, il ne restait plus que 5 000 bath pour votre club. A vrai dire, j'étais gêné de ce qu'il se passait et je me demandais si ça ne t'ennuierait pas.

    - Bien sûr que oui, ça m'ennuie ! Alors qu'est-ce que je peux faire, maintenant ? » dis-je en criant, surtout contre moi-même, parce que je ne vois pas ce que je peux faire d'autre que crier dans cette situation.

     

     Mais il règne un silence de mort dans la pièce. Phun pose le dossier sur la table alors qu'il s'apprête à dire quelque chose.

     

     « - Il y a un moyen...

     - Lequel ? Dis-le moi, Phun, je ferai n'importe quoi ! »

     

     Ma seule chance de salut est là devant moi, comment pourrais-je la laisser passer ? Je dévisage mon ami-pas-si-proche-que-ça, attendant sa réponse. Je remarque à peine qu'il me regarde de manière bizarre.

     

     Si j'avais su ce qu'il allait se passer, je n'aurais jamais prononcé ces mots.

     

     - Noh, deviens mon petit ami »

     

     

    A suivre...

     

     

     (1) Actrice célèbre en Thaïlande, particulièrement réputée pour sa beauté.

    (2) En thaï, p' est une marque de respect que l'on place avant le nom d'une personne généralement plus âgée ou du même âge que soi.

     


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    Chapitre 2 : N'essaie même pas !

     

     

    «  Ah, Noh ! Alors, comment ça s'est passé ? »

     

    Comme d'habitude, Ohm me saute dessus dès que j'entre dans la salle attribuée à notre club, le souffle court. Il commence déjà à me poser des questions alors que je suis arrivé depuis une demi-seconde à tout casser.

     

    Honnêtement, je ne sais pas quoi lui répondre. Je veux dire, je suis en rogne et tout ce qui s'ensuit. Qu'est-ce que qui lui prend, à ce Phun, de délirer comme ça, bordel ?! Je le connais (même si c'est de loin) depuis longtemps, mais je ne savais pas que c'était un tordu.

     

    «  Je ne suis pas un putain d'homo ! Merde ! »

     

    C'est ce que je lui ai hurlé il y a 5 minutes avant de sortir du bureau en trombe et de retourner au club. Je n'en croyais pas mes oreilles. Jamais je n'aurais pensé que j'entendrais un jour ces mots de la part de Phun Phumipat, alias monsieur Perfection. Son allure. Sa famille. Son comportement. Ses notes. Sa bienveillance. Et il a même une copine super jolie, en plus.

     

    Une copine super jolie ?!

     

     Mais c'est vrai...il a déjà une copine, non ? Une fille très populaire qui va à l'école du couvent !

     

    En plus, ça fait longtemps que je connais Phun. (Même si on est pas très proches, parce que Phun est l'ami de Nant, qui est l'ami de Rodkeng, qui est dans ma classe. Comment ça, ce n'est pas clair ? C'est comme ça, c'est tout). Quand il nous arrive de se croiser, je lui souris parfois. Ou bien si j'ai de la chance et qu'il est devant moi dans la file pour acheter quelque chose, je peux lui demander de prendre un ou deux trucs pour moi. Parfois, quand notre club organise un concert, je vais lui vendre quelques tickets, aussi.

     

    Je n'ai jamais eu l'impression qu'il pouvait penser à moi de cette manière.

     

    En fait, si on me demandait de faire la liste des étudiants gays de notre lycée (et il y en a pas mal), Phun serait probablement la dernière personne à laquelle je penserais.

     

    Peut-être que j'ai mal compris ?!

     

    °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

     

    Le temps a commencé à se rafraîchir. Sûrement parce qu'on sera bientôt en novembre, le début de l'hiver. Je ne devrais pas être en train de passer mon temps à jouer à des jeux vidéos, terré dans ma chambre ? Mais quelque chose m'a fait enfourcher mon scooter pour me rendre à cette immense demeure.

     

    J'y suis déjà venu il y a deux ans. L'aîné des enfants avait organisé une fête pour ses 15 ans. C'est pas qu'on soit proches, ou quelque chose dans le genre, mais on est de la même année et nos maisons sont à côté. Un de mes amis, qui s'entend bien avec ce type, m'avait supplié d'y aller.

     

    Je n'aurais jamais pensé que je retournerais à cette maison tout seul. Et pour une raison aussi ridicule, en plus.

     

    Je gare mon scooter devant le grand portail, et je commence à faire les cent pas. Je peux apercevoir la sonnerie qui n'attend qu'une chose, que j'appuie dessus, mais la raison pour laquelle je suis là me rend la tâche difficile.

     

    Putain, pourquoi je suis venu ici ?! Cet enfoiré de Phun, s'il ne retire pas ce qu'il a dit, je lui en fous une.

     

    Avant que j'ai mon comptant de gueulante contre moi-même, je distingue l'ombre d'une personne de haute taille, qui marche dans le jardin.

     

    Il n'y a qu'un seul fils dans cette famille !

     

    « Phun ! Phun ! »

     

     Je tente d'attirer l'attention du propriétaire de l'ombre, en ne criant pas trop fort non plus (j'essaie d'être prévenant) mais j'aimerais bien qu'il remarque que je suis planté devant sa porte (putain!).

     

    On dirait que mes efforts payent ! Cet abruti de beau gosse se retourne vers moi, l'air surpris. (Évidemment, il n'aurait jamais pensé que je me pointerais chez lui à cette heure). Il finit par sortir de l'ombre de la rangée d'arbres et je remarque qu'il est au téléphone avec quelqu'un.

     

     Oh, désolé pour le dérangement -_- 

     

    Mais on dirait que ça ne gêne pas vraiment ce type. Il a toujours l'air un peu surpris de me voir, cela dit. Je le vois qui raccroche quasi immédiatement.

     

    «  Hey ! Comment ça va, Noh ? 

     - Euh... »

     

    Qu'est-ce que je dois lui répondre ?

     

    « Ben, je... »

     

    Je quoi ?

     

    « - Je...

    - Tu es là à propos de ce dont on a parlé tout à l'heure ? »

     

    Banzai ! Oui ! Merci pour avoir amené le sujet sur le tapis !

     

     « - Oui, c'est à propos de ça, lui dis-je en en pointant mon doigt sur lui. Il faut qu'on parle. Je suis allé au bureau du conseil des étudiants tout à l'heure et je t'y ai trouvé. Je t'ai demandé pourquoi notre budget avait été réduit. Et puis là, tu m'as dit que c'était parce que Ngoi avait refusé de dire quoi que ce soit pendant la réunion que vous avez eue et je...

     - Je me rappelle de ce dont on a discuté, Noh, m'interrompt Phun qui n'a manifestement pas envie d'entendre la version longue ».

     

    Je sais bien qu'il s'en rappelle, mais est-ce que je ne peux pas préparer le terrain en revenant sur le contexte ?!

     

    « - Oui, bon, merci de t'en rappeler. Donc tu dois aussi te souvenir que tu m'as dit que tu pourrais aider mon club. Mais qu'est-ce tu as demandé en compensation?! Je n'ai pas dû bien comprendre. Un truc comme devenir ton petit ami. Alors je t'ai crié quelque chose et je suis parti. Je suis désolé, je pense que je dois avoir des problème d'audition.

     - Tu as bien compris, Noh.

     - Exactement ! C'est ce que je me suis dit et c'est pourquoi je suis venu ici pour clarifier...attends, quoi ? »

     

    Qu'est-ce qu'il vient de me dire ? Je ne pense pas que j'aie bien entendu. Il faut vraiment que je me lave les oreilles en rentrant à la maison.

     

    « J'ai dit que tu avais bien compris. Acceptes-tu de sortir avec moi ? »

     

    Merde Phun ! T'es vraiment gay, alors ?! Et moi, je viens chez lui ! Est-ce qu'il va me faire quelque chose ?!

     

     Je sens soudainement un frisson me remonter l'échine alors que je pense à cette éventualité. Et je suis certain qu'en ce moment, mon teint doit être très pâle. Je lève la tête pour voir s'afficher un sourire sur sa face de beau gosse qui a clairement quelque chose derrière la tête. Évidemment, je ne tiens pas à savoir ce qu'il veut me dire. Je suis sûr que c'est le bon moment pour fuir !

     

    « Attends, Noh ! Écoute-moi d'abord ».

     

     Il ne va pas me laisser partir, les gens ! T^T

     

    J'ai déjà fait la moitié du chemin jusqu'à mon scooter quand il agrippe mon bras. T^T

     

    D'instinct, je me retourne vers lui pour lui faire face parce que je sens que ce ne serait pas très sûr de l'avoir derrière moi en ce moment. Je garde les yeux fermés en agitant mon bras, pour le convaincre de me lâcher. Ma situation actuelle est tellement pitoyable qu'elle ne mérite même pas qu'on en parle. T_T

     

     « Je ne suis pas comme ça ! S'il te plaît, il ne faut pas que tu me trouves mignon ! Je suis désolé ! Je ne peux vraiment pas sortir avec toi ! »

     

    Au point où j'en suis, je le supplie quasiment, et si je pouvais me mettre à genoux, je le ferais. Je veux juste qu'il me lâche pour que je puisse partir. Je ne suis pas prêt pour cette discussion ! T_T

     

    «  Hé, laisse-moi finir, Noh ! Je ne suis pas comme ça non plus ! »

     

     Phun me secoue de bas en haut, ce qui me conduit à ouvrir un œil.

     

    Hein ? Alors j'aurais mal compris ?

     

    « Viens d'abord chez moi, je t'expliquerai ensuite ».

     

    Il me traîne alors à l'intérieur de sa maison.

     

    Est-ce que je sortirai d'ici un jour ?!

     

    A suivre...

     

     

     


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    Chapitre 3 : DEAL !

     

     Phun met un bon moment pour réussir à me traîner jusqu'à l'intérieur de la propriété. (Je jure sur ma vie que j'ai vraiment essayé de résister mais honnêtement je ne pouvais rien faire, il est bien plus fort que moi). Au moins, mes miches sont bien à l'abri sous un arbre du jardin.

     

    Phun me regarde comme s'il avait un million et 800 000 choses à me dire mais ne savait pas par laquelle commencer. Je ne suis pas sûr que j'aie très envie de les écouter de toute façon -_-

     

    «  - Noh », dit-il finalement ce qui me fait sursauter.

     

    Bon, maintenant, qu'est-ce qu'il faudrait que je fasse ? M'enfuir ? Creuser un tunnel ? Appeler la police ? Envoyer un Bat-signal ? T __ T

     

    « Noh, écoute-moi attentivement ».

     

    Je n'en ai vraiment pas envie T __ T

     

    Phun me dévisage et remarque clairement que je suis complètement désemparé. Il laisse échapper un soupir.

     

    «  - Je ne suis pas gay. J'ai une copine. Co-pine. Tu la connais. C'est Aim ».

     

    C'est quoi le problème de ce mec ? Pourquoi est-ce qu'il n'arrête pas de retirer ce qu'il dit et de le redire ensuite ?

     

    En tout cas, c'est vrai, ce qu'il vient de dire. Je me sens beaucoup mieux, maintenant.

     

    Donc naturellement, j'acquiesce rapidement en réponse. Je connais bel et bien Aim, la copine de Phun, elle est du même âge que nous mais ne va pas à notre lycée (et comment est-ce qu'elle le pourrait ? C'est une école de garçons). Aim est très belle, et je veux dire vraiment très belle. Elle est jolie même sans maquillage. Elle s'habille toujours à la mode, comme toutes ces filles qui ont de l'argent. En gros, si elle est votre petite amie, il n'y a pas moyen que vous ayez honte d'elle. Surtout quand elle vient dans notre lycée, tous les mecs la regardent et commencent à baver. Tout le monde dit que Phun et Aim sont un couple tout droit descendu du Paradis. Ils sont vraiment bien assortis.

     

     Donc je ne peux m'empêcher d'éprouver de la curiosité quant à ce que Phun va dire ensuite.

     

    «  Mais...je veux sortir avec toi, Noh ».

      

    Putain. C'est fini, j'arrête d'écouter ces conneries.

     

    «  Okay, Phun. Je ne vais pas te répéter ce que je t'ai déjà dit. Je pense que je vais y aller, je n'ai plus envie de t'écouter ».

     

    Je me lève rapidement, avec l'intention de partir. Je ne plaisante pas. Je ne le comprends vraiment pas. Pourquoi est-ce qu'il est assis là à essayer de me convaincre qu'il n'est pas gay ? Il a même amené Aim sur le tapis. Mais juste après, il me dit qu'il veut faire des trucs bizarre avec moi.

     

    «  Ma famille veut me forcer à fréquenter quelqu'un. Et je ne peux pas aller à l'encontre des souhaits de mes parents. Il n'y a que ma petite sœur qui puisse m'aider. Mais elle m'a dit qu'elle ne le ferait que si j'avais un petit copain ».

     

    Hein ?! Quoi ?! O.o Il a parlé si vite que je n'ai pas vraiment saisi. Mais je sens que j'ai besoin de prêter attention à ce qui sort de sa bouche, maintenant.

     

    « - Qu'est-ce que tu viens de dire ? Parle lentement et distinctement.

     - J'ai dit que ma famille voulait me forcer à fréquenter quelqu'un ».

     

    Phun laisse échapper un gros soupir avant de poursuivre. Dans l'intervalle, je retourne m'asseoir à côté de lui.

     

    «  - Okay, et ?

    - Je ne peux pas m'opposer à mes parents. Tu sais bien qu'ils sont très stricts, Noh ».

     

    Il a raison. Je me rappelle toujours de cette fête d'anniversaire, il y a deux ans. Il fallait que je fasse très attention à ne pas dire de gros mots, ce qui est encore plus dur que de se retenir de péter. Je veux dire, si j'avais pété, les gens auraient très bien pu ne pas le savoir (enfin, je crois?) mais si j'avais juré, à coup sûr j'aurais pu être fichu à la porte de cette jolie maison. Après la fête, j'étais allé voir Ohm...Il a dû m'écouter me plaindre pendant environ trois heures. Ses oreilles étaient quasiment engourdies.

     

    «  - Mais je ne sais pas pourquoi, ils laissent toujours Pang faire tout ce qu'elle veut », continue Phun ce qui interrompt le fil de mes pensées.

     

    Qu'est-ce qu'il vient de dire, là ? Ah oui, Pang est sa petite sœur. Je me rappelle vaguement d'elle. Nong Pang (1) peut être intimidante, d'après mes souvenirs. Donc que Phun me dise que même ses parents ont peur d'elle ne me surprend pas plus que ça -_-

     

     «  - Donc, si elle accepte de m'aider, je n'aurai pas besoin de sortir avec la personne que mes parents auront choisie. Mais... »

     

    Je fronce les sourcils. Mais ? Mais quoi ? En classe de Thaï, Monsieur Ping nous a dit que tout ce qui suivait le mot « mais » était toujours l'idée principale de la phrase. Donc les élèves doivent y faire très attention pour les examens.

     

    Mais...en ce moment, j'ai comme qui dirait pas envie d'écouter ce qu'il a à dire. Est-ce que mon idée principale est claire et concise ?

     

    «  - Est-ce je peux ne pas écouter la suite ?

    - Non, Noh ! Laisse-moi finir ».

     

     Il force les choses ! T^T

     

    Je m'assieds avec une expression fatiguée sur le visage et j'attends qu'il poursuive mais un frisson d'anticipation remonte mon échine. Qu'est-ce qu'il signifie ? Que je vais me faire dépuceler par Phun ?! - __ -

     

    «   Eh bien, Pang...est comme beaucoup de filles d'aujourd'hui, Noh. Elle adore lire des mangas yaoi. Je ne sais pas ce qu'il y a avec elle en ce moment. Elle en a acheté une tonne, ils sont dans sa chambre ».

     

    Cette conversation est de plus en plus flippante.

     

    «   Donc elle m'a dit que si j'avais un copain, elle parlerait à mes parents pour moi. Et si mon copain est mignon, elle y mettra plus de conviction ».

     

    Bordel. Quelqu'un peut me dire depuis combien de temps je n'ai pas cligné des yeux ?

     

     Je commence à prier dans ma tête. Je prie pour que je puisse devenir sourd pour deux ou trois minutes. Je promets que j'irai ramasser les déchets autour de Sanam Luang pendant trois mois si je suis exaucé. Mais aucun dieu n'a l'air de s'intéresser à mon cas. T __ T

     

     «  Et tu es...mignon. » est la chose que j'entends ensuite.

     

    Ouais et ben merde !!! Je suis désolé si je suis né plus petit que toi. (En fait, je ne suis pas petit ou quoi que ce soit, et Phun n'est pas vraiment grand non plus. Mais bon...je suis quand même plus petit que lui). Je suis désolé si je suis issu d'une famille chinoise et donc que j'ai le teint clair et ne peux même pas bronzer. Je suis désolé si, bien que je n'aie pas vraiment de double paupière, mes yeux sont quand même grands et ronds. Mes lèvres sont rouges, aussi...mes amis se moquent souvent de moi parce que je suis « mignon ». Mais je n'avais jamais vraiment pensé à ça. Pas avant ce soir, jusqu'à ce qu'il me fasse me sentir comme si...

     

     ...j'avais atterri en Enfer !!

     

     On dirait qu'il sait ce que je pense sans avoir à me le demander.

     

    «  Noh, je suis désolé. Je ne le disais pas dans ce sens-là...Mais...ce n'est pas comme si je pouvais prendre quelqu'un comme Shane et dire à Pang que c'est mon copain, hein ?

     

     C'est sûr qu'il sait défendre son cas. Il prend l'exemple de Shane. Shane est le meilleur athlète de l'école. Vous devinez probablement que c'est un géant.

     

    «  Pourquoi ne pas demander aux Angels gang, alors ? » lui dis-je en pensant aux bruyants katoeys (2) qui arrivent même à nous rendre mal à l'aise, nous les garçons du lycée.

     

    A coup sûr, si Phun leur demande de l'aider, ils vont carrément se battre entre eux pour le faire.

     

    «  Pang n'aime pas ça, Noh. Elle aime les mecs gays, pas les katoeys ».

     

     Depuis quand je suis gay, au juste ?! J'avais vraiment envie de lui crier ça à la tronche.

     

     «  - Il y a Oak, Dul, Vit. Ces mecs sont petits et mignons. Ils sont même plus petits que moi. Pourquoi tu ne leur demandes pas à eux ?! ».

     

    Je ne renonce pas à essayer de le faire d'avis. Phun semble à bout de patience et lâche un nouveau soupir.

     

     «  -Mais ils sont hétéros comme nous. Ils n'accepteraient pas .

     -  Mais alors pourquoi moi ? 

     - Parce que toi et moi...on peut s'aider mutuellement ».

     

    Mon sang se glace. Il me menace, là ?

     

    J'avais presque oublié que j'avais besoin de l'aide de Phun. Soudainement, je vois une grosse liasse de billets à la place de sa tête.

     

    «  On n'a pas besoin de faire semblant en permanence. Juste devant Pang. Et tu auras l'argent pour ton club, je te le garantis ».

     

    Putain !!!!! Est-ce que je suis réellement en train perdre ma dignité pour 20 000 bath en acceptant de devenir la femme de Phun (même si c'est juste pour la forme) ?!

     

    Mais je n'ai même pas l'occasion de répondre. Une voix haut perchée nous interrompt.

     

     «  P'Phun, qui est-ce ? »

     

    A suivre...

     

     

     

     

     

    (1) En thaï, « nong » placé avant un nom signifie « petite sœur » ou « petit frère », et est utilisé plus généralement pour évoquer ou s'adresser à une personne plus jeune que soi. La hiérarchie sociale, fondée sur le modèle familial, est très importante en Thaïlande et en Asie de façon générale.

     

    (2) Les « katoeys » sont des transsexuels ou des homosexuels très efféminés, qui sont nombreux et relativement bien acceptés dans la société thaï.

     


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    Chapitre 4 : !?

     

    «  P'Phun, qui est-ce ? »

     

     Le son de cette voix me flanque immédiatement les foies. Je l'ai reconnue, bien sûr. Je sais très bien qui est cette fille aux traits innocents mais aux yeux remplis d'une perfidie bien dissimulée, et qui se tient actuellement derrière Phun, l'air surpris.

     

    La voilà ! La légendaire nong Pang !

     

    Est-ce qu'il est trop tard pour envoyer ce Bat-signal ?!

     

    La vision de cette jolie fille me laisse sous le choc, comme si c'était un fantôme. (Honnêtement, je crois que j'aurais préféré que ce soit un fantôme).

     

    Mais il semblerait que Phun ait la situation sous contrôle (enfin, je crois). Il prend une longue respiration puis se retourne vers sa sœur à qui il adresse un sourire.

     

     Hey, mec...est-ce que ça te dérangerait d'être moins enthousiaste ? ...J'ai peur...

     

     «  Tu ne m'avais pas dit que tu allais te coucher ? »

     

    Je fronce les sourcils devant la gentillesse avec laquelle Phun parle à sa sœur. Ce n'est pas étonnant que toutes ces filles du couvent aient des vues sur lui. Ces pensées défilent dans mon esprit alors que mon froncement de sourcil s'accentue quand il donne une petite tape sur le front de sa collégienne de sœur. C'est vraiment un chouette frère. Bizarrement, cette idée me fait me sentir plus à l'aise, je ne sais pas exactement pourquoi.

     

    «  Je n'arrivais pas à dormir alors je suis descendue pour voir si papa était rentré. C'est là que je vous ai vus », répond cette petite fauteuse de trouble en continuant de me dévisager.

     

     Ah ah, ma tête lui dit quelque chose, hein ? (La dernière fois que je l'ai vue, c'était au tournoi de foot de l'année dernière. Elle était venue voir Phun, qui travaillait à l'approvisionnement. De mon côté, je répétais avec le groupe, et c'était moi qui avait été chercher Phun pour elle).

     

    Je lui adresse un grand sourire amical, qui montre mes 32 dents. (J'ai cru que ma gencive allait se déchirer).

     

    Phun se retourne vers moi et me sourit aussi. Un nouveau frisson me remonte l'échine.

     

    «  Oh, oui...un...ami...est venu me rendre visite. »

     

     Il reporte son attention sur Pang. Pourquoi a-t-il exagéré le mot « ami » comme ça ? (Il l'a même carrément décomposé !).

     

    «  Un ami ? »

     

    Je peux voir comme une lueur dans ses yeux d'enfant pourrie gâtée. Les choses commencent à dégénérer. Le frère et la sœur se sont mis d'accord pour se payer ma tête ou quoi ?! C'est une blague cruelle !

     

     «  A vrai dire... » commence Phun en avisant Pang tout en me jetant des coups d'oeil en biais en même temps.

     

    Il n'a pas l'air de faire attention du tout aux regards paniqués que je lui adresse en réponse !

     

     «  Tu m'as dit que tu voulais rencontrer p'Noh, alors je lui ai demandé de venir ici ».

     

    C'était quoi, ça ? Tu vas voir si tu peux me dire un truc comme ça et me donner un petit coup de pied dans le tibia, toi ! Putain ! Ce con...! Il a intérêt à faire gaffe !

     

     «  - Moi, je voulais rencontrer p'Noh ? 

     - Tu m'as dit...que tu voulais rencontrer mon petit ami, non ? »

     

    Non mais quand est-ce que j'ai dit que j'étais d'accord ?! Je suis frappé d'amnésie ou bien t'es juste en train d'improviser un truc ?

     

    J'étais sur le point de lui taper sur le crâne mais il me prend la main et la serre doucement avant que je puisse bouger.

     

    C'est à ça que la vie me conduit... ?

     

    °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

     

    J'ai finalement été traîné à l'intérieur de la résidence Phumipat (j'ai encore essayé de résister, pourtant). Le frère et la soeur sont aussi agaçants l'un que l'autre. Une fois que Pang a découvert que j'allais être sa belle-sœur (je vais devenir dingue!), elle a insisté auprès de son frère pour que j'entre prendre un verre d'eau (elle n'aurait pas pu me l'amener dans le jardin ?). Quant à Phun, il a pris le parti de sa sœur en me disant qu'on allait se faire piquer par les moustiques si on restait dehors (ce serait encore plus simple que je rentre chez moi !).

     

     Je finis toujours perdant dans ce genre de discussion. Il y a un proverbe qui dit « si ta bouche se noie, ses plantes aquatiques dérivent » (1). Je comprends enfin ce que ça signifie. (Est-ce que quelqu'un vient tout juste de dire que ce n'est pas ça, le vrai sens ?). Du coup, je me retrouve là, assis sur le canapé du salon de la Résidence Phumipat. Pang s'est mise sur une autre banquette à côté. Quant à Phun...il est si proche de moi que je pourrais tout aussi bien m'asseoir sur ses genoux.

     

    «  - Pourquoi tu te tiens si près ?! Il fait chaud ! ». lui dis-je en chuchotant pour ne pas que Pang, qui regarde une série en anglais, puisse entendre.

     

     Ce connard me répond par un regard moqueur.

     

    «  - Tu as chaud ? Tu veux que je mette la clim ?

     - Non, écarte-toi, c'est tout ! »

     

    Pourquoi est-ce qu'il ne pense jamais à faire les choses les plus simples ? - _-

     

     Mais au lieu d'obtempérer, il m'adresse un regard sournois.

     

    «  Je ne peux pas. Il faut qu'on soit crédibles, Noh. »

      

    Cet enfoiré me parle d'être crédibles ?! Alors qu'il prend des décisions tout seul, contre ma volonté !

     

    «  Mais de quoi tu me parles, bordel ? Bouge ! »

      

    Je commence à lui parler grossièrement. Je ne céderai pas tant qu'il ne se sera pas écarté de moi et on dirait qu'il est sur le point d'obéir. Je pousse un gros soupir de soulagement quand il se décale finalement (même si on est toujours assis près l'un de l'autre). Mon répit ne dure pas longtemps puisque Phun décide de se pencher vers moi et de mettre son bras sur mon épaule !

      

    Sérieux, mec ?!

     

     Je remarque que Pang nous regarde. Ses yeux scintillent et, bizarrement, se remplissent de chaleur et d'une lueur de bonheur que je ne peux pas vraiment expliquer. Quoi que ce soit, ça me fait frissonner sur toute la longueur de mes bras.

     

    S'il te plaît, continue à regarder la télé, Pang ! T ____ T

     

     «  P'Noh, comment vas-tu rentrer chez toi ce soir ? Il est vraiment tard », me demande-t-elle.

     

     Mais...est-ce que ce n'est vraiment qu'une simple question ? Non, non, non. Ça pue. Il faut que j'agisse maintenant, c'est plus sûr. Je jette un coup d’œil à ma montre et réalise qu'il est effectivement très tard. Il est temps que je m'enfuisse de ce 18ème cercle des Enfers.

     

    «  Je suis venu ici en scooter. Je dois y aller, ciao Phun ! » dis-je en me retournant vers le plus âgé de ces deux emmerdeurs en faisant un signe de la main. Phun est sur le point de se lever pour me saluer mais il semble que sa disciple n'ait pas l'intention de me laisser partir pour ma réincarnation aussi facilement.

     

    «  Comment peux-tu laisser p'Noh rentrer chez lui en pleine nuit comme ça, p'Phun ?! Et si quelque chose lui arrivait sur le chemin ?! Qui serait responsable ?! »

     

     Quoi ? J'ai 17 ans ! Je suis assez grand pour m'occuper de moi, Pang !

     

     «  - Euh...

    - P'Noh, passe la nuit ici ! S'il te plaît ? Tu peux dormir dans la chambre de Phun. Tu ne peux pas partir maintenant, c'est trop dangereux ».

     

    Qu'est-ce que je suis supposé faire alors qu'un chaton m'agrippe le bras en ce moment-même ?  -_- '

     

    Si je pouvais, je l'enlèverais de là d'une chiquenaude et le regarderais rebondir. Mais ces lèvres fines continuent de bouger et elles n'ont pas l'air de vouloir s'arrêter.

     

     «  P'Phun, tu ne peux pas me dire que tu as un petit ami juste pour que j'aille parler à papa. Si tu ne t'occupes pas bien de p'Noh, je ne t'aiderai pas ».

     

    Putain de merde ! Quoi ?! Il y a un panneau avec un gros point d'exclamation qui s'affiche actuellement sur ma tronche, je pourrais en tomber à la renverse.

     

    «  Hum, Noh, tu devrais probablement passer la nuit ici. Si tu rentres chez toi maintenant...humph...ce pourrait être dangereux. Humph... »

     

    Non mais regardez-le glousser ! Il est carrément en train de se marrer. Putain, Phun, si tu n'es pas capable de m'aider, alors au moins n'empire pas les choses ! Quelle insulte est-ce que je lui balance en premier ?!

     

    «  - Je ne peux pas rester, on a école demain. Je n'ai pas amené mon uniforme avec moi.

     - Tu peux porter l'uniforme de p'Phun, P'Noh.

     - Non, je peux pas, on a pas le même numéro étudiant », dis-je même si ça ne sert probablement à rien. C'est désormais à qui remportera ce débat.

     

       «  Ça ne sera pas un problème. Le surveillant ne vérifie jamais ce genre de truc de toute façon. Et puis s'il pose des questions, tu peux toujours lui dire que tu as passé la nuit chez moi et que tu as emprunté un de mes uniformes ».

      

    Tu n'aides pas, là, Phun ! Bordel de merde ! Je suis vraiment touché par ta grande gentillesse ! Vraiment !

     

    «  ... »

     

     Je ne sais plus quoi dire. Plus rien ne sort, je n'ai pas de quoi répliquer à ça.

     

    «  Vous devriez monter à l'étage et prendre un douche. Et j'essaierai de parler de ça avec papa plus tard, p'Phun » dit Pang en nous poussant pour sortir du salon afin qu'on puisse rejoindre la suite nuptiale ( ??).

     

    Les yeux de Phun s'éclairent lorsqu'elle prononce cette phrase. Moi de mon côté, je me sens complètement déprimé par la tournure des choses. Qu'est-ce qu'elle entend par « essayer » ? Combien de temps vais-je être coincé dans cette situation ?

     

    «  Ne t'inquiète pas pour le budget du club, me chuchote Phun. Je m'en occupe ».

     

    J'avais quasiment oublié cette histoire de budget, à vrai dire. Est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle ?

     

    Franchement !

     

     A suivre...

     

     

    (1) Autant vous dire que c'est un proverbe thaï et que je ne vois vraiment pas comment on pourrait le traduire xD En gros, ça signifie que quand on est submergé par quelqu'un ou quelque chose, on en perd ses capacités de réflexion. Enfin, je crois.

     


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  •  

    Chapitre 5 : Laisse venir

     

     Quand je me pointe au lycée, j'ai l'air épuisé et même contusionné. N'allez pas vous imaginer des trucs, je sais ce que vous pensez, vu que j'ai à peine pu dormir la nuit dernière -_-  Mais je jure qu'il ne s'est rien passé de bizarre cette nuit! Je le jure ! C'est juste que, comment j'aurais pu dormir avec Phun à côté de moi ?! D'accord, on se connaît un peu, mais comme je l'ai déjà dit, on est pas spécialement proches. (En fait, on est pas proches du tout, point. On est juste des connaissances qui se croisent de temps en temps, c'est tout).

     

     Du coup, qui s'attendrait à me voir dormir dans son lit ? Dans sa propre maison ? Avant ça, tout ce que je connaissais de cet endroit était le jardin (où j'avais été deux ans auparavant). Alors quoi, on a juste fait évoluer notre relation du jour au lendemain jusqu'au point où on est censés dormir ensemble ? C'est trop tôt. En plus, tout ça s'est passé en un jour seulement. Je n'étais tout simplement pas près à affronter un truc pareil.

     

    Mais pour être franc, c'était plutôt bien, cette nuit. Je n'étais pas si inquiet que ça. J'ai pris une douche, puis enfilé un de ses pyjamas. (Généralement, je porte un marcel pour dormir, mais j'ai jugé qu'il était préférable de se couvrir, pour ma propre sécurité). On a même discuté un peu. Il m'a demandé si je voulais jouer à sa superbe Xbox 360 mais je n'étais pas d'humeur. Alors Phun a éteint la lumière et on s'est couchés.

     

    Comme sa famille est riche, son lit est gigantesque. On aurait pu se rouler dedans autant qu'on voulait. En fait, 3 ou 4 personnes pourraient probablement dormir confortablement dans ce lit.

     

     Mais je ne sais vraiment pas ce que j'ai fait pour mériter ça. Nong Pang a soudainement ouvert la porte. Phun m'a agrippé (il était de l'autre côté du lit et il y avait même un traversin entre nous) et alors que j'étais sur le point de m'endormir, m'a pris dans ses bras.

     

    Il m'a pris dans ses bras ! Il l'a vraiment fait ! Putain !

     

    J'ai essayé de le virer mais il est plus fort que moi. Ce connard a une sacrée poigne, bizarrement ! Il a l'air tout mince, comme ça, mais il ne faut pas le sous-estimer. Et puis il était dans une position avantageuse. Tout ce que je pouvais faire, c'était gigoter entre ses bras.

     

     «  Juste une seconde », m'a-t-il murmuré pour que j'arrête de bouger.

     

    Il a ensuite pris l'air du type qui venait juste de se réveiller et s'est tourné vers sa sœur, qui restait plantée là, interloquée. Elle était sous le choc de voir son frère enlacer son petit ami dans son lit (Regarde bien ! Je suis en train d'essayer de lui échapper, là!).

     

    « Qu'y a-t-il, Pang ? »

     

    Est-ce qu'ils vont finir par se taire et s'éloigner de moi, ces deux-là ?!

     

     « J'ai...amené des couvertures supplémentaires....j'avais peur que p'Noh ait froid... ».

     

    Elle avait l'air sous le choc et pourtant il y avait comme une lueur de joie dans son regard.

     

     Oh non, Nong Pang ! Qu'est-ce que tu vas aller t'imaginer encore ?!

     

     « Tout va bien, Pang », répondit Phun alors que je sentais sa prise se renforcer.

     

    Je fis comme si j'étais mort et n'avais plus conscience de ce qu'il pouvait bien se passer dans le monde.

     

    «  P'Noh n'aura pas froid ».

     

    Je n'avais pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir quel genre d'expression Phun devait avoir à ce moment-là. Ni pour Pang, d'ailleurs.

     

    Pourquoi ces frère et sœur cherchent-ils tant à causer des ennuis aux autres ?!

     

    «  Ah oui....j'avais oublié. Hé hé, je nous dérangerai plus, alors. Je ferme la porte à clef pour que vous soyez tranquilles ».

     

     Click.

     

    Et finalement, on a dormi chacun de son côté du lit. Aucun de nous n'a utilisé la couverture (c'était plus juste étant donné qu'il n'y en avait qu'une). Phun avait mis la clim à 25° donc il n'a pas fait froid. Quoi qu'il en soit, j'ai eu beaucoup de mal à dormir.

     

    Revenons à aujourd'hui. A la seconde où j'entre dans la salle de classe, tout le monde se retourne pour me regarder.

     

     Eh ben ? Vous n'aviez jamais vu Dome (1) avant, ou quoi ?

     

    «  Quoi ? Pourquoi vous me regardez comme ça ? » leur dis-je en jetant mon sac (enfin celui de Phun) sur mon bureau. J'essaie d'éviter leurs regards, je ne veux pas qu'ils commencent à soupçonner quelque chose (mais j'oublie que cette attitude me donne justement un air suspect).

     

    « C'est quel uniforme que tu portes ? »

     

     Putain. Comment Keng a pu s'en rendre compte ? Il est vraiment aussi fort que son nom (2).

     

    «  Qu'est-ce que tu veux dire ? »

     

     Noh n'abandonne pas si facilement ! Je m'en moque que ce soit une bonne chose ou non, j'ai juste envie de me disputer avec quelqu'un. Bien que j'évite toujours son regard, je me demande s'il va marcher.

     

    « Pourquoi est-ce que tu fais comme si tu n'avais pas compris ? Ça se voit que ce n'est pas ton uniforme, ce n'est pas ton numéro étudiant qui est dessus. Et puis il est trop grand pour toi, à moins que tu n'aies subitement rapetissé dans la nuit ».

     

    Il est trop observateur pour son propre bien, putain !

     

     «  Alors...où as-tu dormi la nuit dernière ? Je t'attendais pour jouer à DotA mais tu ne t'es pas connecté ».

     

    Donc en gros, vous étiez déjà au courant avant que vous ne voyiez ce matin ? Pourquoi faut-il que ce connard insiste, aussi ?

     

    Je soupire et adresse un regard fatigué à Keng qui essaie toujours de me tirer les vers du nez. Ohm est juste à côté de lui et acquiesce de la tête comme pour dire qu'il prend la relève.

     

     «  -Je n'étais pas chez moi la nuit dernière.

    - Wow, wow, wow ! Alors, avec quelle fille t'étais ?! »

     

    Ce putain de Ohm. Toujours à dire des conneries. Si j'avais été avec une fille, est-ce que j'aurais eu l'air dépité comme maintenant ?

     

    « De quoi tu parles, bordel?J'étais coincé avec ce type, Phun, de la classe 1, pendant toute la nuit ».

     

    Cela suffit pour qu'Ohm se lève de sa chaise. Keng s'approche, lève mes bras, tâte mon dos, pour vérifier ma condition physique.

     

     «  Alors finalement, t'as perdu ton pucelage avec un mec. J'en étais sûr. Comment c'était ? Est-ce que ça a fait mal, comme c'était ta première fois ? J'ai entendu dire que Phun en avait une grosse ».

     

    Il est tellement direct pour aborder ce genre de truc, putain. Est-ce que Phun a vraiment une grosse ? Attendez, non !

     

     «  Va te faire foutre ! Il fallait juste que je lui parle de quelque chose mais comme il se faisait tard, je suis resté dormir chez lui. C'est tout ! »

     

     Ohm vient finalement s'asseoir à côté de moi. J'en ai marre de cet enfoiré !

     

    «  - Depuis quand vous êtes proches, tous les deux ? Je croyais que vous vous connaissiez à peine.

     - C'est à cause de cet imbécile de Ngoi ! C'est à cause de lui que j'ai dû me rapprocher de Phun. Ah oui, au fait, je me suis occupé des 20 000 bath dont on a besoin pour le club .

    - Ne me dis pas que tu as vendu ton cul à Phun ! »

     

     Smack ! Ça m'a fait très mal à la main mais il fallait vraiment que je le fasse. Je lui en ai mis une bonne sur la gueule !

     

    «  Oh ! Pourquoi t'as fait ça ?! »

     

    Et il ose me le demander.

     

    «  J'ai vu que tu continuais à débiter des conneries donc il fallait que je t'aide vu que tu avais l'air de ne plus pouvoir respirer avec toutes ces merdes dans ta bouche. Comment tu fais pour avoir toujours ce genre de pensée à la con ? »

     

    Je continue de l'insulter tout en jetant un œil à ma montre. Cela m'agace parce qu'il reste encore pas mal de temps avant que le cours ne commence. Jusqu'à quand vais-je devoir écouter ces mecs ?!

     

     ...Si beaucoup, beaucoup de temps passe, ils vont finir par m'oublier, vous croyez ?

     

    J'entends alors un téléphone qui sonne avec la chanson « Do you miss me » de Cocktail. Ça fait trois mois qu'Ohm utilise cette sonnerie (je commence à plus pouvoir la saquer). Mais là, elle m'aide, en mettant fin à ce match de boxe virtuel. Ouf. Je me sens soulagé maintenant que je n'aurai plus à les voir jouer aux cons. Je lui fais un sourire moqueur avant de prendre mes devoirs en mains pour m'assurer que j'ai bien tout fait. Mais quand je relève la tête, c'est lui qui me sourit d'un air sarcastique.

     

    « C'est ta mère qui appelle »

     

     Hein quoi ? Ma mère ?

     

     Je fronce les sourcils et jette un œil curieux à l'écran de son LG. J'ouvre mes yeux en grand.

     

    «  - Dis-lui que je ne suis pas là ! 

    - Comment ? Mais c'est ta petite amie, pourtant. Pourquoi est-ce que tu joues les mecs inaccessibles ? C'est quoi le problème avec Yuri ? »

     

    Ben, je ne l'aime pas comme ça, alors qu'est-ce qu'il faudrait que je fasse ?! En plus, je ne sais jamais quoi dire à une fille, particulièrement une qui me court après comme elle fait.

     

     Ohm ne reçoit aucune réponse. Il hausse les épaules pour me montrer que ça ne l'intéresse pas vraiment et finit par décrocher son téléphone. Je lui tapote par deux fois l'épaule pour lui rappeler ce qu'il doit dire. Il se dégage comme pour me signifier qu'il s'en rappelle.

     

     «  Oui ? Noh...n'est pas là. Je ne l'ai pas encore vu ce matin ».

     

      Bien. Très bien.

     

    «  Oh...ah ah ah. T'es très maline, attends une seconde ».

     

    Qu'est-ce qu'il se passe ?!

     

    «  Ta mère a compris le truc ».

     

    Il couvre le téléphone de sa main en me chuchotant cette chose que je n'ai pas envie d'entendre.

     

    Je ne comprends pas. Comment ça se fait que les filles pigent toujours tout ?

     

     Finalement, je lâche un soupir et prends le portable rectangulaire et noir d'Ohm.

     

     «  - Oui, quoi ?

    - Pourquoi est-ce que je n'arrivais pas à te joindre du tout, Noh ? »

     

     J'entends des bruits de conversation derrière sa voix enjouée. Elle doit être au lycée. Un sourire moqueur apparaît sur mes lèvres.

     

    «  - Je n'avais plus de batterie.

    - La nuit dernière non plus ?

    - J'étais chez un ami la nuit dernière. Tu voulais me dire quelque chose, Yuri ? »

     

    Est-ce qu'elle pourrait en venir au fait ?!

     

     «  Oh, hé hé hé ».

     

    Le son de sa voix n'inspire pas du tout confiance. Je commence à transpirer avec la clim de la salle de cours fonctionne à plein régime.

     

     «  Ça te dit d'aller manger un morceau ensemble après les cours ? »

     

    J'en étais sûr.

     

     «  - J'ai une réunion au club aujourd'hui, je ne quitterai pas avant très tard .

    - Ce n'est pas grave. J'attendrai à Siam au Baaying, au 2ème étage, comme d'habitude ».

     

    Elle décide toujours de tout toute seule. C'est comme ça qu'elle est. Malheureusement, je suis le genre de type qui ne sait pas dire non. Particulièrement à Yuri, c'est très difficile (en parlant de ça, je n'arrive pas vraiment à dire non à Phun non plus, non?)

     

     «  Mais j'arriverai peut-être vraiment tard »

     

    C'est le mieux que je puisse lui dire -_- '

     

    «  Ça ne fait rien, je ne suis pas pressée. A ce soir, alors » me dit-elle joyeusement avant de raccrocher.

     

    Yuri est vraiment une fille sympa. Elle n'est pas compliquée, elle ne râle jamais. Elle n'a pas besoin d'avoir toujours gain de cause comme d'autres filles. Son seul problème est qu'elle décide des choses toute seule. Actuellement, j'ai le titre de « petit ami » mais je n'arrive pas à bien me rappeler quand j'ai accepté ça, exactement. Le temps que je réalise ce qu'il se passait, j'étais déjà le « petit ami » de Yuri. Mais quoi qu'il en soit, ce n'est pas comme si j'avais quoi que ce soit à perdre. Yuri est très mignonne. Son père est japonais, donc elle est à métisse. Elle a la peau claire, de beaux traits, de grands yeux (ah, ses canines ont tendance à ressortir, quand même). Elle est très bavarde et ne se fatigue jamais. Parfois, je pense qu'elle est très gaie, mais en même temps très agaçante, ah ah.

     

    Je devrais probablement me dépêcher d'aller au club avant de la rejoindre. Ça fait une semaine qu'on ne s'est pas vus. Je ne voudrais pas que les gens m'accusent de négliger ma petite amie.

     

     A suivre...

     

    (1) Dome Pakornlurm, mannequin et acteur thaïlandais, régulièrement cité comme l'un des plus beaux hommes de Thaïlande

     

    (2) En thaï, « keng » est utilisé dans l'expression « keng mak mak » que l'on utilise quand on veut féliciter quelqu'un qui a fait du bon boulot.

     

     

     


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